lundi 23 février 2015

Le CIR, le plafond du donneur d'ordre et les désagréments des prestataires


Le 4 avril 2014, l’administration fiscale a mis à jour sa doctrine relative aux dépenses de R&D sous-traitées en matière de CIR. Elle a posé de manière expresse l’interdiction de contournement des plafonds. Par ailleurs, elle impose désormais aux entreprises sous-trai­tantes agréées de déduire de leur propre CIR les sommes que leurs donneurs d’ordres renon­cent à prendre en compte. Le 21 octobre 2014, le MENESR a publié une liste des entreprises agréées auxquelles elle a accordé un retrait d’agrément CIR à leur demande. Les doutes qu’avaient pu faire naître la doctrine administrative relative au plafond des dépenses exter­nalisées nécessité d’être explicités. Néanmoins, les conséquences négatives de sa mise à jour sont d’importances, tant pour les donneurs d’ordres que pour les prestataires agréés. Elle fait naître une insécurité juridique majeure. En effet, s’agissant du contournement des plafonds, les précisions apportées par l’administration fiscale sont interprétatives et donc rétroactives. Elles impactent donc les CIR 2014 et futurs mais également ceux qui peuvent faire l’objet du droit de reprise de l’administration. De plus, les listes publiées par le MENESR n’étant pas opposables, en cas de contrôle fiscal ou MENESR, les retraits d’agréments feront naître des situations épineuses notamment lorsque le donneur d’ordre n’aura pas eu connaissance du retrait d’agrément de son prestataire. Par ailleurs, ces différentes mesures auront des conséquences financières considérables pour les entreprises qui ont pris en compte ce dis­positif pour engager des projets, investir et embaucher mais qui obtiendront un financement inférieur à celui auquel elles pensaient avoir droit.



Commentaires du Cabinet : dans sa question écrite n°70810 publiée au JOAN le 09/12/2014, M. Jean-Christophe Fromentin revient sur les conséquences de cette mise à jour de la doctrine administrative et demande notamment qu’il soit mis un terme rapide à la situation générée par les retraits d’agrément en cours d’année. Il convient également de relever que le caractère rétroactif de l’interdiction de contournement des plafonds est corroboré par la décision du TA de Montreuil du 1er juillet 2014 qui revient sur une précédente décision.

Le CIR & le stagiaire

Nonobstant, plusieurs décisions de Tribunaux administratifs (Pontoise du 14 mars 2013, Montreuil du 18 novembre 2013), l’administration fiscale et le MENESR qui y consacre un point complet dans ses guides CIR successifs, continuent à considérer que les stagiaires ne peuvent être assimilés à des techniciens de recherche. En effet, ils estiment que leur travail vise à compléter une formation théorique dans le but d’obtenir leur diplôme et non à assu­rer un soutien technique indispensable aux travaux de recherche de l’entreprise au sens de l’article 49 septies G de l’annexe III du code général des impôts.
La CAA de Versailles dans un arrêt du 6 novembre 2014, SAS Cooper Standard Automo­tive  n°13V01479 vient à nouveau de confirmer la possible prise en compte des rémunéra­tions versées aux stagiaires dans le CIR en ces termes :
« Considérant que les gratifications versées aux stagiaires, inscrites en comptabilité au compte charges de personnel de l’entreprise qui ont le caractère de dépenses de personnel déductibles du résultat imposable doivent être regardées comme des rémunérations au sens de l’article 49 septies I de l’annexe III au code général des impôts ouvrant droit au crédit d’impôt susmentionné, alors même que les stagiaires ne sont pas salariés de l’entreprise, dès lors que ceux-ci travaillent en étroite collaboration avec les chercheurs pour assurer le soutien technique indispensable aux projets de recherches éligibles au crédit d’impôt de recherche ».



Commentaires du Cabinet : ce n’est pas pour autant que toutes les rémunérations des sta­giaires peuvent être prises compte dans les bases du CIR. L’entreprise doit, sous le contrôle du juge de l’impôt, apporter des éléments suffisamment précis pour que soit considéré comme établi que les stagiaires ont assuré un soutien technique indispensable aux travaux de R&D. Cela impose d’inclure une rubrique documentée dans le dossier justificatif.

Loi de finances pour 2015 & CIR

Les articles 66 et 75 de la loi de finances pour 2015 aménagent le dispositif du crédit impôt recherche.

L’article 66 de la loi augmente le taux du crédit d’impôt dans les DOM.
Le taux du CIR est porté 50 % pour les dépenses de recherche exposées dans des exploi­tations situées dans un département d’outre-mer. La limite des 100 M€ de dépenses et le taux de 5 % ne sont pas modifiés.
Le taux du CII est porté à 40 %, le montant du crédit d’impôt est doublé.
Cette disposition s’applique aux crédits d’impôt calculés à raison des dépenses exposées à compter du 1er janvier 2015 pour les entreprises bénéficiant d’aides à finalité régionales qui sont exemptées de notification au titre des aides d’Etat (c’est-à-dire les entreprises sa­tisfaisant aux conditions fixées par le chapitre I et le chapitre III, section I du règlement d’exemption de notification des aides d’Etat UE 651/2014 du 17 juin 2014). Pour les autres entreprises, la majoration entrera en vigueur à une date fixée par décret, qui ne peut être postérieure de plus de six mois à la date de réception de l’autorisation de la Commission européenne au titre des aides d’Etat.

Commentaires du Cabinet : les précisions de l’administration sur le terme « implanté » dé­cideront du caractère réellement incitatif de cette disposition notamment pour les entreprises dont le siège social est en métropole et qui ont déjà ou souhaitent développer des activités en Guadeloupe, la Guyane, la Martinique, Mayotte et La Réunion.

L’article 75 de la loi précise la notion de doctorat pour le régime des « jeunes docteurs ». L’embauche d’une personne titulaire d’un doctorat ou d’un diplôme équivalent ouvrent droit à la prise en compte des dépenses de personnel pour le double de leur montant dans les bases du CIR pendant les vingt-quatre premiers mois sous conditions. Il doit s’agir de leur premier recrutement en contrat à durée indéterminée en tant que docteur et l’effectif du personnel de recherche salarié de l’entreprise ne doit pas être inférieur à celui de l’année précédente.
Cette disposition vient donner un fondement légal à la doctrine du MENESR qui refusait, depuis quelques années, sans texte de prendre en compte les docteurs en médecine, phar­macie et vétérinaire. Désormais seuls sont pris en compte les doctorats (BAC+8) au sens de l’article L 612-7 du Code de l’éducation qui définit les formations et les conditions de délivrance d’un tel diplôme dans le cadre des écoles doctorales. Ce texte qui impacte essentiellement l’industrie pharmaceutique et des biotechnologies, en l’absence de disposition concernant sa mise en œuvre devrait s’appliquer au CIR 2014 déclaré en 2015. 

Commentaires du Cabinet : cet éclaircissement est le bienvenu pour la sécurité des entre­prises. Mais, il entérine la doctrine du MENESR pour l’avenir.
Cependant, cette disposition interpelle sur la reconnaissance de la longueur et la difficulté des études des professions médicales et sur l’importance des travaux menés dans les CHU.